Présentation

Les collections muséales face à l’impératif évènementiel

 

Depuis sa formation, le musée d’art est organisé autour des collections, d’une part, et des expositions, d’autre part. Au cours du 20e siècle, l’exposition a acquis une importance déterminante, dans la mesure où elle génère plus de visiteurs et une plus grande attention médiatique. Le développement des études muséales au sein des universités a donné lieu, depuis une vingtaine d’années, à une vaste production de livres dont un nombre important s’intéresse à la rhétorique et à la discursivité des expositions, mais aucun n’étudie la situation actuelle des collections et leur marginalisation relative, et variable selon les institutions. Pourtant, malgré cette inflation discursive et médiatique autour de l’exposition, plusieurs musées manifestent de plus en plus ouvertement leur souci de mettre en valeur les collections et ils ont entrepris de modifier la façon dont ils les présentent afin de les réactualiser par de nouvelles formules d’exposition ou des usages inédits qui brisent certains tabous : mise en circulation d’une partie de la collection, instauration de « cartes blanches » proposées à des artistes ou à des commissaires invités, insertion d’œuvres ou même d’expositions contemporaines au milieu des salles permanentes d’art ancien, jumelage d’œuvres historiques et contemporaines, mise en vedette d’une œuvre ciblée ou d’une acquisition exceptionnelle, etc. Ces façons de faire introduisent de nouvelles modalités dans la conception et le traitement des collections. Elles en refaçonnent significativement trois paramètres : leur rapport au temps, qui passe de la longue durée à un temps évènementiel plus convulsif ; leur rapport à l’espace, qui encourage l’exposition d’une œuvre en dehors des séries et voisinages prévisibles où elle prenait habituellement place ; et leur rapport à l’usage, dans la mesure où certaines stratégies visent à penser la collection sous un registre évènementiel et médiatique plutôt que dans le cadre de son paradigme encyclopédique. Quelles sont les conséquences de cette nouvelle inflation de l’évènement sur les mises en récit de l’art qui se déploient désormais au musée et sur la conception patrimoniale des œuvres ?

 

Le groupe de recherche et réflexion CIÉCO propose de recenser ces stratégies et d’en réfléchir les pratiques et les conséquences en partenariat avec trois musées : le Musée d’art de Joliette, le Musée des beaux-arts de Montréal et le Musée national des beaux-arts du Québec. Au Québec, à l’inverse de ce qui a cours pour les musées parisiens ou new-yorkais, de 70 à 75% de la clientèle est locale plutôt que touristique. Comment dès lors attirer les visiteurs dans les salles de la collection permanente en dehors des moments, nécessairement rares, où un musée acquiert une œuvre exceptionnelle ou se dote d’un nouveau pavillon qui entraîne un redéploiement des collections ? Le projet de recherche bénéficie d’un momentum inespéré puisque ces trois musées se sont chacun lancés récemment dans un investissement architectural, liée à une intégration de donations massives au sein de la collection et au redéploiement des œuvres qui en découlent. Mais chercheures et partenaires sont aussi regroupés autour de quatre objectifs communs et fondamentaux : 1) mettre en valeur des collections dans le contexte actuel d’un engouement quasi exclusif pour les expositions ; 2) réfléchir sur les conséquences, pour la dimension patrimoniale des collections, de ces nouveaux usages évènementiels ; 3) produire un nouveau savoir sur cette question inédite à partir du recensement, du classement et de l’analyse de ces nouvelles pratiques muséales ; 4) favoriser un décloisonnement institutionnel entre les deux pôles qui supportent la discipline de l’histoire de l’art (le musée et l’université) et, à ce titre, former des chercheur(e)s mieux adapté(e)s à la double réalité des milieux professionnels où ils et elles sont susceptibles de travailler.

 

CIÉCO travaille aussi activement à une mobilisation des connaissances plus efficace grâce à la mise en place d’un réseau d’échanges à travers la création d’une plateforme Web et d’un plan d’activités qui rallient autant les universitaires que les professionnel(le)s : des ateliers thématiques où chercheur(e)s, conservateurs et conservatrices des musées échangent autour des enjeux théoriques et pratiques du projet ; des activités ciblées organisées et présentées par les partenaires ; des activités de diffusion des résultats de la recherche, tels que des journées d’étude, des conférences, des colloques, des publications ; et, enfin, des activités de formation pour jeunes chercheur(e)s et futur(e)s professionnel(le)s en histoire de l’art et en muséologie.

 

Le site Web CIÉCO est un outil d’organisation, de mobilisation et de transfert des connaissances permettant de suivre le développement des usages évènementiels des collections. Il sert à recueillir des données, à répertorier ces nouvelles pratiques muséales, depuis leur origine jusqu’à leurs manifestations actuelles, à les documenter, à les classer et à les analyser. Au premier stade de sa conception, le site comprend une présentation du projet, de l’équipe de recherche, des collaborateurs et des collaboratrices, des musées-partenaires et des professionnel(le)s, ainsi qu’une description des activités passées et à venir, et les premiers résultats de la recherche.

 

CIÉCO bénéficie de l’appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, dans le cadre du programme Développement de partenariat, et de l’Université de Montréal, ainsi que de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université du Québec en Outaouais, du Musée d’art de Joliette, du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée national des beaux-arts du Québec.